7 JUIN 2023 – Rassemblement nautique contre le GNL

LE GNL = NOUVEL AVATAR DU GREENWASHING DE LA CROISIÈRE

Stop Croisières a organisé le 17 juin 2023 après midi un rassemblement nautique pour alerter sur l’usage du Gaz Naturel Liquéfié (GNL) par les bateaux de croisière, carburant représentant une véritable bombe à retardement climatique. Alors que la haute saison des croisières débute, nous sommes déterminés à faire entendre la voix critique des Marseillaises et Marseillais sur cette industrie adepte du greenwashing. Plus de 100 personnes étaient présentes sur l’eau, en canoës kayaks ou sur des voiliers.

Présenté comme un “nouveau” carburant miracle (il existe pourtant depuis 2003), le Gaz Naturel Liquéfié est l’une des fausses solutions les plus souvent mises en avant par l’industrie de la croisière.

Nous ciblons le « MSC World Europa », premier navire neuf propulsé au GNL de l’armateur MSC, en escale hebdomadaire à Marseille.  Plus gros paquebot de croisière en Europe, il coche toutes les cases de la démesure tristement habituelle de la croisière : 333 mètres de long, pouvant accueillir jusqu’à 6 762 passagers, des parcs d’attraction, piscines, bars et restaurants à foison… Une aberration de plus sur nos mers, à l’heure de l’appel des scientifiques du GIEC à une sobriété vitale pour notre planète. Cerise sur le gâteau illustrant le cynisme sans borne de MSC :  le navire a été inauguré à l’occasion de la coupe du monde de football au Qatar, marquée par les scandales écologiques et sociaux. Pourtant, l’amateur met particulièrement en avant le caractère « plus durable » de ce bateau grâce à l’utilisation d’une « énergie nouvelle génération » : le GNL[1].

crédits : Air One

Pourquoi cibler le GNL ?

Cette manifestation fait écho à la sortie d’un rapport de l’ONG Belge Transport & Environment[2] sur le sujet. Soyons clairs : l’utilisation du Gaz Naturel Liquéfié (GNL) est bénéfique du strict point de vue de la pollution de l’air par rapport au fioul lourd, généralement utilisé par le secteur maritime. Il supprime quasi intégralement le rejet des oxydes de soufre (SOx), et diminue les émissions d’oxydes d’azote (NOx) et de particules fines[3].

Pour autant, le GNL n’est en aucun cas une solution « durable ». Il constitue au contraire une véritable bombe climatique et les conditions de son extraction génèrent des impacts considérables sur l’environnement.

Le GNL ne diminue aucunement l’impact climatique du transport maritime

Avec le GNL, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) sont réduites de 20 % par rapport au fioul lourd[4][5] ; mais comme le démontre l’ONG Transport & Environment dans son tout récent rapport, la diminution de CO2 est plus que compensée par les fuites de méthane[6]. Et comme le note l’ONG, “lorsque le méthane (CH4) est libéré dans l’air – même en très petites quantités – son impact sur le climat est désastreux”. En effet, l’extraction du gaz naturel, le processus de liquéfaction, son transport et sa combustion comme carburant marin produisent inéluctablement des fuites de méthane[7], dont l’effet de serre est beaucoup plus élevé que celui du CO2[8]. Globalement, le bilan climatique est ainsi négatif par rapport aux carburants actuellement utilisés !

L’extraction du gaz naturel cause de graves impacts sur l’environnement

Comme l’indique le rapport de Transport & Environment, ​​”il est probable qu’une part substantielle du GNL utilisé par les navires qui s’approvisionnent en Europe soit issue de la fracturation hydraulique”[9].

Une part conséquente du GNL utilisé en Europe est donc très probablement du gaz de schiste. Les États-Unis, qui développent actuellement leurs exportations de GNL, le produisent à partir de cette méthode de fracturation hydraulique, dont les impacts environnementaux sont dévastateurs. L’impératif européen de sortir de la dépendance au gaz russe à la faveur de la guerre en Ukraine a conduit les Etats-Unis à devenir un fournisseur stratégique de GNL pour l’Europe (à hauteur de 44% des importations européennes en 2022).

Par ailleurs, les projets d’extraction de gaz dans le monde défraient la chronique par leurs impacts environnementaux majeurs. Pour ne citer que l’entreprise française Total Energies, qui espère devenir le leader mondial du GNL, les exemples suivants sont édifiants  :

  • L’exploitation des gisements de gaz dans l’Arctique s’avère catastrophique pour les milieux naturels, à l’instar du développement d’un programme d’extraction du gaz dans la péninsule de Yamal[10].
  • Le projet offshore porté au large de l’Afrique du Sud, au sein d’une zone abritant une vie marine particulièrement riche, a fait l’objet d’une mobilisation des ONG BLOOM et The Green Connection[11].
crédits : Christophe Oudelin

CONCLUSION

Malgré ces éléments, le lobby de la croisière continue de faire passer ses nouveaux navires alimentés au GNL, combustible fossile, comme une transition écologique du secteur, alimentant volontairement la confusion entre pollution de l’air et impact climatique. Une fois de plus, l’industrie de la croisière fait diversion et nie l’évidence : la croisière durable est et restera de la poudre aux yeux.

L’impasse que constitue le GNL d’un point de vue climatique et environnemental renforce la position de fond de notre collectif : “Stop Croisières !”. La bonne croisière est comme le bon déchet : celle que l’on ne produit pas.


[1]https://www.msccroisieres.fr/nos-croisieres/navires/msc-world-europa

[2]“Gaz fossile : la pilule empoisonnée du transport maritime” – mai 2023 – Transport et Environment ; lien

[3]« Schéma national d’orientation pour le déploiement du gaz naturel liquéfié comme carburant marin » – 2016. Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer ; lien

[4]« Le GNL et carburant maritime : état des lieux et perspectives » – gaz mobilite.fr ; lien

[5]« Informations méthodologiques pour la Base Carbone > Scope 1 > Combustibles > Liquides » – ? ; bilan-ges.ademe.fr ; lien

[6]“Gaz fossile – La pilule empoisonnée du transport maritime” – mai 2023 – Transport et Environment. Lien

[7]« Exploitation des hydrocarbures : des chercheurs identifient plus d’un millier de fuites majeures de méthane dans le monde » – 2022. France Info ; lien

[8]« Méthane et changements climatiques : un danger négligé qui s’accroît » – 2017. Réseau Action Climat France ; lien

[9]“L’exploitation du gaz de schiste dévaste les Etats-Unis” – 2019 – Reporterre ; lien

[10]« Yamal LNG : comment les intérêts de l’industrie pétrolière continuent à primer sur la sauvegarde du climat… et même sur les sanctions commerciales » – 2018. Observatoire des multinationales ; lien

[11]“L’océan : destruction TOTAL” – octobre 2022 – BLOOM et The Green Connection ; lien

Crédits photo à la une : Grégoire Edouard.