L’avenir du port de Marseille décidé sans les marseillais•es 

Narendra Modi enlace Emmanuel Macron à l’Élysée
Visite du Premier Ministre de l’inde, Shri Narendra Modi en France, le 4 mai 2022 - Photo Ministry Of External Affairs India - CC BY-NC-ND 2.0.

Une belle scène en bas du Vieux Port : Emmanuel Macron et Narendra Modi pour dérouler un avenir de libre échanges pour Marseille (nouvelle route maritime et ferroviaire entre l’Inde et la France). « Jusqu’ici tout va bien » pour les grandes entreprises et leurs actionnaires qui vont même gagner 3 jours par rapport au canal de Suez ! Fabuleux, Marseille n’attendait que ça ! 

Une simple continuation de la politique menée par Emmanuel Macron depuis sa première élection en 2017: gouverner seul, d’abord avec une majorité au parlement, puis sans. Poser des questions, appeler aux débats citoyens, appeler au vote, puis ne pas écouter et ne faire qu’à sa manière.

Ce qui est vrai pour le national se retrouve malheureusement à Marseille qui sera le point d’arrivée et de départ de cette « nouvelle route des épices » jusqu’à Mundra en Inde pour augmenter de 40% nos échanges commerciaux. D’épices, point; mais du pétrole, des métaux et des données !

D’abord de faux débats organisés sur l’avenir de la côte méditerranéenne sous l’égide de la commission nationale du débat public (CNDP) qui restreint le cadre même des échanges puis ne répond plus aux questions citoyennes. Le choix citoyen se limite en effet à l’endroit où seront les éoliennes… Pourquoi ces nouvelles éoliennes ? Pourquoi cette puissance ? Pourquoi pas des panneaux sur les toits et parkings de la région la plus ensoleillée de France ? Est-ce que cela électrifira des bateaux de croisières dont nous pourrions très bien nous passer ? Est-ce que cette énergie servira à produire des carburants bas carbone pour alimenter des avions de Ryanair dont nous pourrions bien nous passer ?

Ces questions ne sont pas à l’ordre du jour. 

Quel plan de diminution des émissions globales du port de Marseille-Fos ? Cette question n’est pas non plus à l’ordre du jour et personne à la CNDP ni au GPMM n’est capable d’y répondre. 

Est-ce ceci la croissance verte ? Investir sans trop savoir pourquoi ? Investir pour agir ? Agir pour agir quitte à dire n’importe quoi en annoncant un réacteur nucléaire à Marseille ? 

A Nice, l’annonce de Mr Estrosi ne trompera personne, loin des considérations environnementales, sa décision de refuser les bateaux de plus de 900 croisiéristes n’est qu’un indécent tri de touristes. Mr Estrosi en agrandissant son aéroport et en ouvrant la porte aux croisières haut de gamme favorise un certain type de business sous couvert de ce que les médias ont appelé la  » lutte contre le surtourisme ». Or, quelle est la différence entre un touriste aérien et un croisiériste ? Le simple fait que l’un des deux réservera un lit pour dormir et consommera localement pour manger. Pour la croisière haut de gamme, le manque à gagner est compensé par les dépenses élevées sur place dans les commerces de luxe. La différence est donc économique, comme toujours chez les libéraux. 

Loin de nous l’idée de défendre les gros bateaux de croisières, mais dans ce cas soyons cohérent jusqu’au bout en organisant ensemble une sortie complète de ce business d’ici 5 à 10 ans en France puis sur tout le pourtour méditerranéen. Cela permettrait de reconvertir les emplois déjà créés et d’imaginer collectivement l’avenir de la côte méditerranéenne. Cet avenir sera nécessairement soutenable. Qui peut croire à une prospérité sans une Méditerranée saine ? Qui peut croire à un marché de l’emploi dynamique dans des villes surpolluées ? Les touristes se détournent de l’Inde à cause de la surpollution, voulons-nous un même avenir en France ? 

Le collectif Stop Croisières est force de propositions, ayant notamment engagé des discussions avec la CGT du port et la mairie. Tout le monde semble ouvert à un avenir soutenable s’il est économiquement viable. 

Il est dommage de constater que les banques, les assurances et l’état sont plus motivés pour financer des projets insoutenables que d’investir en l’avenir. Et cela se retrouve sur le marché de l’emploi qui est toujours très dynamique dans le pétrole et le gaz, l’aéronautique ou la logistique. Il est clair que les bénéfices écologiques ne rentrent pas dans le court termisme des calendriers électoraux, ni dans les objectifs de carrières des manageurs. 

Pourtant, des projets collectifs soutenables pourraient être bénéficiaires pour une grande diversité de personnes, mais qui souhaite vraiment ces cobénéfices ? Pas un président qui parle de « prédateurs » à propos de la société qu’il fantasme. Dans son monde il faut gagner, en marchant sur les autres, en mangeant les autres. Une victoire collective est présentée comme un miracle plutôt qu’un programme politique. Alors, dans le vide peut-être, mais nous continuerons à travailler pour un avenir collectif, avec de la démocratie réelle, avec des bénéficiaires aussi diverses que notre société peut l’être grâce, ou à cause, de notre histoire. 

Penser global, agir local

Une autre Marseille est possible et désirable. Une Marseille hospitalière pour les personnes de passage et pour les habitantes et habitants. Une Marseille créatrice de bonheurs collectifs comme elle sait le faire parfois. Alors imaginons cet avenir ensemble. Imaginons d’abord le port de demain que les habitantes et habitants et les personnes de passage ont construit années après années. Retirons les barrières qui séparent depuis 24 ans les marseillais·es de leur port rompant ainsi avec une longue histoire commune. Bâtissons une école de la mer durable, une auberge de jeunesse flottante, des espaces de nouveau libres et gratuits, un restaurant populaire, des anneaux solidaires et adaptés pour accueillir des voiliers cargos plutôt que des yachts ou des croisières de la dernière chance vers les pôles condamnés par nos émissions croissantes, … Les alternatives possibles ne manquent pas !

Venez les explorer avec nous !!