WORLD TOURISM DAY = COLLAPSE TOURISM DAY
Nos villes, nos quartiers, notre climat, notre santé, nos vies ne sont pas à vendre
#StopAuTourismeDeMasse
Plusieurs villes du sud de l’Europe lancent un appel unifié à l’occasion de la Journée mondiale du tourisme. L’objectif est de dénoncer l’impact et les conséquences de l’intensification du tourisme dans cette phase post-pandémique compte tenu de l’aggravation de la crise climatique et sociale.
Le réseau SET[1], réseau des villes d’Europe du Sud face au tourisme, a lancé un appel à une action commune dans différentes villes et territoires pour le mardi 27 septembre 2022, appelant à la NON-célébration de la Journée internationale du tourisme et sous le slogan « Collapse Tourism Day ».
Le réseau SET est composé de différents “nœuds” dont les villes de Venise, Valence, Séville, Palma de Majorque, Pampelune, Lisbonne, Malte, Malaga, Madrid, Gérone, Donostia (Saint-Sébastien), les îles Canaries, Camp de Tarragone, Cordoue, Barcelone et Marseille. Ce réseau a été créé au cours du printemps 2018 puis élargi au fil des années. Son but est d’unir les forces de ces “noeuds” afin de créer une voix critique sur le développement du tourisme. Son action s’est concentrée sur des rencontres, moments de réflexion et d’apprentissage mutuel, et sur des actions coordonnées entre les différents nœuds, prenant souvent comme référence la date de la Journée mondiale du tourisme.
Après la pause imposée par la pandémie, le réseau SET s’est réactivé, face à un paysage encore plus rude, avec le retour du tourisme de masse comparable au précédent, sinon supérieur, et dans une version encore plus agressive. Alors que le secteur privé pousse à l’extrême son chantage habituel et cynique de l’emploi, tout en s’abstenant de diversifier et de repenser les modèles économiques ; les administrations locales et les gouvernements nationaux ont eux dédié une part démesurée de ressources publiques pour soutenir les entreprises liées à l’industrie du tourisme (logement et transport), dont beaucoup d’entre elles sont de grandes multinationales aux profits millionnaires, qui causent de graves dommages sociaux et économiques, en plus des conséquences connues de ces entreprises sur le climat.
Dans le même temps, en raison de la pandémie, les administrations locales ont facilité la prolifération de l’occupation de l’espace public par le secteur de la restauration. Ces occupations de l’espace public, qui auraient dû être temporaires et restent peu justifiées par rapport à des besoins sanitaires, n’ont pour la plupart pas été révoquées avec la réduction des risques sanitaires. La croissance de l’espace public sous gestion privée (par exemple les terrasses des bars et restaurants) signifie une plus grande commercialisation de l’espace urbain et des impacts plus importants sur la vie quotidienne (bruit, mobilité…).
Cet été, nous avons assisté à un retour du tourisme de masse qui, dans certains cas, se rapproche statistiquement de la période pré-covid, dans d’autres, il la dépasse nettement. Cela réactive et aggrave les processus d’exclusion de la population locale et d’exploitation/précarité du travail pour une population déjà très touchée par la crise économique provoquée par la pandémie.
En parallèle, le trafic des navires de croisière s’intensifie et les grands projets d’extension d’infrastructures reprennent. Cette reprise s’accompagne d’une rhétorique basée sur le greenwashing comme si la crise systémique que nous vivons n’était pas une menace sérieuse pour la planète, mais juste une mode passagère. Tant l’administration publique que le secteur privé utilisent des termes tels que « développement durable », « transition écologique » ou « technologies vertes » de manière superficielle et dénuée de sens, et refusent d’accepter le fait pourtant évident que la seule durabilité possible est la diminution de l’activité touristique et la diversification de l’économie vers des modèles de production cohérents avec les besoins sociaux, culturels et environnementaux dans les territoires et les villes colonisées par le tourisme. La crise climatique indéniable est à l’ordre du jour de tous les agendas politiques, mais apparaît déconnectée du reste des mesures politiques évoquées, qui suivent un modèle extractiviste, dans un cadre mondial désormais aggravé par des guerres et une crise énergétique imminente et sans précédent.
Pour toutes ces raisons, le réseau SET a choisi une nouvelle fois la date symbolique de la journée mondiale du tourisme pour appeler à manifester. Cette journée est en effet utilisée par les lobbies et les administrations publiques pour célébrer de nouveaux records et donner une nouvelle image positive à une industrie néfaste.
Ainsi, le mardi 27 septembre diverses actions de protestation et de dénonciation de cette situation auront lieu dans différentes parties du sud de l’Europe sous le slogan “WORLD TOURISM DAY = WORLD COLLAPSE TOURISM DAY”, afin de dénoncer :
• les effets mondiaux de l’intensification du tourisme au niveau environnemental et social, communs à tous ces territoires et villes,
• l’investissement de l’argent public dans la promotion et le sauvetage d’une activité privée lucrative qui génère et aggrave les inégalités sociales,
• l’impact climatique de cette activité basée sur la consommation excessive de biens et services,
• la spirale de dépendance vis-à-vis du secteur touristique qui engendre une vulnérabilité excessive des économies locales,
• la perte progressive de nos quartiers et espaces relationnels, de plus en plus marchandisés,
• la précarité croissante des travailleurs du secteur, notamment dans les emplois saisonniers
• les dommages générés par le soutien de cette activité dans le contexte actuel de crise mondiale et de pénurie des ressources énergétiques,
• la déconnexion totale entre les déclarations d’urgence climatique et les politiques quotidiennes, malgré l’appel à la sobriété de plusieurs pays européens.
Face à tout cela, les villes et les territoires, ainsi que les entités sociales qui composent ces espaces, se réunissent à nouveau pour demander :
• un engagement concret à limiter le nombre et la taille des espaces dédiés au tourisme, et à réduire le flux de passagers dans les ports et aéroports,
• l’arrêt définitif de toute expansion des infrastructures portuaires et aéroportuaires,
• un réel engagement à repenser le tourisme à la lumière du changement climatique, qui implique moins de déplacements et la relocalisation d’une production locale plus diversifiée,
• des politiques actives contre la gentrification, la marchandisation des espaces et l’expulsion des résidents,
• l’engagement de trouver un équilibre économique dans les territoires actuellement dépendants de l’activité touristique, et d’accompagner la reconversion vers d’autres secteurs des personnes qui travaillent de façon précaire dans le tourisme.
[1] SET : South Europe Facing Touristification